Michèle Michellod cède la présidence de Moi pour Toit à Françoise Lapaire. L’ONG, active auprès des enfants défavorisés de Pereira en Colombie, traverse une phase cruciale, notamment sur le plan financier.
Une page se tourne à Moi pour Toit, active depuis 1987 à Pereira en Colombie. Michèle Michellod, présidente depuis deux ans et la disparition de son mari Christian, a passé la main à Françoise Lapaire vendredi soir, lors du souper de soutien de la fondation. «C’est un soulagement», annonce celle qui a fondé Moi pour Toit avec sa sœur et son mari. «Françoise est la personne idéale pour poursuivre notre projet.»

Entrée au comité en 2014 et vice-présidente depuis 2016, la nouvelle présidente prend ses fonctions à un moment charnière. Notamment sur le plan financier: «On lutte tous les jours, ça devient de plus en plus compliqué de trouver des fonds.»
Sans avancer de chiffres – «les dons ont toujours été très fluctuants» – la présidente avoue ne pas être sereine quant à l’actuelle situation financière. Le Covid, les différentes crises survenues depuis, la baisse du pouvoir d’achat et les guerres en Ukraine et à Gaza n’aident pas.
Garantir une crédibilité de l’action
«Il y a toujours des gens qui sont prêts à donner de l’argent, mais on doit désormais faire du cas par cas pour convaincre et garantir la crédibilité de notre projet», détaille Françoise Lapaire, qui rappelle le mantra de la fondation dont le comité suisse est 100% bénévole: «Un franc versé est un franc dépensé en Colombie.»
L’ONG est également à un tournant sur place. Depuis sa création, sa mission a toujours été de proposer un programme d’accueil, de protection, d’éducation et de formation pour des enfants défavorisés âgés de 4 à 18 ans ou plus, en cas d’études. L’accompagnement se faisait sur le long terme.
«Ces dernières années, l’institut colombien du bien-être familial, notre partenaire local, imposait des exigences toujours plus fortes. Avec leur nouvelle politique, les enfants étaient placés chez nous durant seulement trois mois.»
L’internat, fermé depuis juin
Ces deux dernières années, Françoise Lapaire a multiplié les allers-retours en Colombie sans que les deux parties ne parviennent à trouver un terrain d’entente. En juin dernier, la fondation a même été contrainte de fermer son internat, incapable de répondre aux demandes toujours plus contraignantes de l’institut. Depuis, les enfants prises en charge ne le sont qu’en journée, au centre éducatif Christian Michellod.
La région est extrêmement vulnérable. L’impact de la fondation y est énorme. Elle devient une véritable famille pour ces enfants qui n’ont plus rien.
Aujourd’hui, le partenariat a été rompu. «Nous avons désormais un nouvel interlocuteur, à savoir le ministère de l’éducation. Les dernières nouvelles sont bonnes, puisque nous avons appris cette semaine qu’un financement est en très bonne voie pour rouvrir l’internat en janvier prochain», se réjouit Françoise Lapaire.
Une réalité qui rend l’action essentielle
Une nécessité, dans un pays où la violence infantile a augmenté de 31% en 2024 et où 9 millions d’enfants vivent dans la pauvreté. Cette réalité n’épargne pas la ville de Pereira, champ d’action de l’ONG. Elle est marquée par le narcotrafic et la présence de groupes armés. «La région est extrêmement vulnérable», témoigne Yized Beltran Benavides, directrice exécutive de la fondation et du centre éducatif. «L’impact de la fondation y est énorme. Elle devient une véritable famille pour ces enfants qui n’ont plus rien.»

Des mots qui font rayonner le visage de Françoise Lapaire. Preuve que, même dans cette période compliquée, la mission de la fondation est essentielle. «Je m’en remets à l’optimisme sans faille qui animait Christian, qui répétait qu’un miracle était toujours possible. Cette conviction a plusieurs fois été vérifiée.» Gageons qu’elle le sera encore à l’avenir.
«Moi pour Toit m’a tendu la main quand j’avais perdu espoir»
Depuis 1987, 11 000 enfants ont été accueillis dans la fondation Moi pour Toit. Parmi eux, Victor Alonfso Guapacha Ladino. Aujourd’hui, il en est le codirecteur. Il témoigne: «Devenir codirecteur de la fondation qui m’a accueilli adolescent est pour moi un honneur. J’y ai passé quatre ans, y suis revenu comme instructeur, après une formation en résilience. Moi pour Toit m’a tendu la main quand j’avais perdu espoir; elle m’a permis de retrouver la joie de vivre. Aujourd’hui, je veux rendre ce que j’ai reçu et montrer aux enfants qu’ils peuvent avancer, qu’ils en sont capables. Pour l’avenir, je souhaite une fondation stable, centrée sur l’éducation, capable d’accompagner ses jeunes jusqu’à l’université et d’en faire, demain, les adultes engagés de notre communauté.»
Par Justin Grept, Le Nouvelliste du 24 novembre 2025 (Version PDF)










