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La fuite en avant

27 juin 2017

En 2017, la fondation Moi pour Toit fête ses 30 ans de lutte en faveur des enfants nécessiteux de Pereira en Colombie. Au début des années 90, papa Christian avait ouvert un foyer pour douze petites filles en danger d’exploitation sexuelle, âgées de 10 à 12 ans. Aujourd’hui, ce sont des mères de famille qui approchent de la quarantaine. En novembre prochain, un livre racontera leur histoire qui est celle de Moi pour Toit.

Vous pouvez déjà réserver votre exemplaire au prix de souscription de
20 francs (au lieu de 30 francs), à verser sur le CCP 19-720-6, Fondation Moi pour Toit, 1920 Martigny, mention «Livre».

«Je m’appelle Shirley. J’ai 13 ans. Je ne veux pas encore parler de mon histoire. C’est mon choix respectable.»

Et puis, une année plus tard, Shirley s’est mise à parler, devant les filles du foyer. Elle entama, mal assurée, une marche arrière. Elle refit, en sens inverse, le chemin qu’elle avait parcouru. Mais comme elle n’avait pas du tout le cœur de revivre cet itinéraire, elle le fit à reculons, à l’aveuglette, par tâtonnements. Et son message émouvant, entrecoupé de lourds silences, commença par la fin.

«Je suis heureuse, ici, mais je vais certainement vous quitter.»

Les filles qui l’entouraient avaient peine à comprendre et surtout à croire ce que Shirley déclarait d’une voix blanche et hésitante.

«Je vais répondre à la demande d’adoption qui m’a été faite, et partir pour la Hollande.»

Pour toutes ses sœurs du foyer, la Hollande, même si on ne la situe pas très bien géographiquement, se trouve sur une terre bénie où il n’existe pas, paraît-il, des enfants qui vivent et  dorment sur le trottoir.

Mais pourquoi la Hollande? Après un long silence unanimement respecté et lourdement chargé d’interrogations, elle continua, sans se retourner, sa remontée dans le temps, synonyme de redescente aux enfers.

«Ma petite sœur, qui s’appelle Fernanda, a été adoptée par un couple de Hollandais. Et ma petite sœur, je l’aime plus que tout.»

Personne, au foyer, ne connaissait l’existence de la petite Fernanda, et pour cause… Shirley n’en avait jamais parlé. Mais aujourd’hui, elle était décidée.

«C’est ma mère… Quand son mec l’a plaquée… Elle a laissé ma sœur au Bienestar familiar (ndlr: le service de la jeunesse colombien) qui l’a confiée à ces gens. Moi-même, j’étais à la rue, dans la Galeria où je me droguais, où je mendiais, où je volais. J’ai atterri là, parce que je m’étais évadée d’un institut qu’on appelle Lazaro Nicholls (ndlr: maison de rééducation).»

Bizarrement, plus elle remontait dans le temps et plus sa voix s’affermissait. C’est ainsi qu’après un long soupir, elle enchaîna: «Je ne peux pas tout vous raconter dans les détails. D’ailleurs, il n’y a pas de quoi être fière, mais ce n’était pas la première fois que je me retrouvais à la rue. Je suis restée auparavant, quelques années, dans un centre d’urgences qu’on appelait Granjas Infantiles. Et de là, je me suis évadée, je ne sais pas combien de fois, parce que je n’arrivais pas à supporter le traitement qu’on nous imposait.

On m’avait placée dans cet institut le jour où mon beau-père a été arrêté par la police sur la place Bolivar de Pereira. Je n’ai pas pleuré, ce jour-là, parce que mon beau-père me maltraitait et me battait. Comme il avait battu ma mère. Mais ma mère s’était enfuie et j’ai dû vivre seule avec lui quelque temps… Enfin… seule avec mon petit frère et ma petite sœur…»

Le silence qui s’ensuivit était plus éloquent que les plus belles tirades. Et le mutisme des autres filles valait tous les discours.

« Oui… on était pauvres, peut-être, mais on était bien, avec notre maman, avant l’arrivée de ce…»

Shirley n’a jamais fini sa phrase. Et jamais personne ne lui demandera de la terminer. Comme jamais personne ne lui demandera des nouvelles de sa mère, de son frère.

Pour l’instant, elle va de l’avant, la petite Shirley qui ne s’est jamais évadée de Moi pour Toit. Il est vrai qu’on n’a pas besoin de s’évader. Il suffit de dire: «Je pars.» Mais Shirley est toujours là. Non seulement elle est toujours là, mais on apprendra, quelques mois plus tard, qu’elle renonce à son adoption hollandaise…

(Notes: ses parents adoptifs firent le déplacement à Pereira pour recueillir Shirley Montés; la veille de son départ, elle demanda la permission d’aller dire au revoir à ses compagnons de rue; on ne l’a plus jamais revue… Et les parents sont rentrés en Hollande sans elle…

2017: nos recherches ne nous ont pas encore permis de la retrouver; selon une source fiable, Shirley vivrait sur l’île de Cuba, serait mariée avec quatre enfants et aurait gardé le contact avec sa sœur en Hollande.)

Article paru dans la Gazette de Martigny du 23 juin 2017 à télécharger ici (pdf).

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