Fondation Moi pour Toit

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Mon salaire, c’est le sourire d’un enfant
Par: Fondation Moi pour Toit
Dans:Presse
Le 19 Nov 2006

La fondation fête ses 15 ans d’existence en 2006. En jetant un coup d’œil dans le rétroviseur, quelles réflexions vous inspirent ces années de joie, de partage, de solidarité, de générosité?

15 ans, en Colombie, c’est une génération. Une génération de lutte, tous les jours, pour ces enfants. Avec beaucoup de bonheur, toujours autant d’enthousiasme, mais aussi en sentant de plus en plus l’immense responsabilité qui pèse sur mes épaules. 15 ans, dans ce pays où la vie est plus courte à cause de la violence, c’est énorme. C’est un miracle. Et les résultats sont là, concrets. Actuellement, en Suisse même, vous pouvez rencontrer deux jeunes ex-pensionnaires de Moi pour toit: une fille de 25 ans et un garçon de 19 ans. Ils sont l’exemple tangible de notre travail à long terme. En un mot, mon salaire, puisque je continue de travailler bénévolement à côté de mon métier de journaliste.

Remontons dans le passé. Quel était votre état d’esprit en février 1991, vous vous en souvenez?

Comme si c’était hier! Février 1991, c’est la date à laquelle Moi pour toit, qui existait déjà depuis 1988, est devenue officiellement une fondation. Entre 1988 et 1991, je soutenais un foyer gouvernemental à Pereira. Les autorités n’ayant pas tenu leurs promesses, je m’en suis retiré et je me suis lancé tout seul. Avec la conviction que je pouvais réussir, connaissant les énormes besoins de la région. Et en juin 1991, le jour même où Pablo Escobar, le chef du cartel de Medellin, se rendait à la police, Moi pour toit ouvrait son premier foyer, un centre d’accueil pour douze petites filles, la première structure du genre dans cette ville de plus d’un demi million d’habitants!

A un moment ou à un autre, avez-vous été tenté de reculer face à l’ampleur de la tâche, avez-vous douté de l’efficacité de la démarche entreprise?

Non, jamais. Un jour de première communion à laquelle participèrent plus de vingt enfants de Moi pour toit – c’était le 8 décembre 2004 – le curé de la communauté voisine prêcha et utilisa une belle image: «Il y a la mer, il y a la plage. Sur la plage, des centaines de poissons ou de crustacés surpris par la marée basse et menacés de mort par la violence du soleil. Chemine un homme qui se baisse, ramasse un crabe et le jette à la mer, puis il en cueille un autre, et ainsi de suite. Cet homme ne peut pas s’occuper de tous ces poissons. Mais ceux qu’il a lancés dans l’eau ont une grande chance de s’en sortir. Voilà le travail de M. Michellod.» J’ai de nombreux enfants qui sont devenus adultes, pères ou mères de famille, je suis de multiples fois grand-père. Tout ce monde-là m’appelle Papa ou Papito. Pour un seul d’entre eux, je recommencerais ma lutte. La tâche est immense, mais le sourire d’un enfant encore beaucoup plus grand.

Quels ont été les temps forts de ces 15 ans d’existence de Moi pour toit?

La fondation a grandi plus ou moins lentement. Les moments forts sont multiples. Chacun de mes deux voyages annuels en est un. Pour moi, les temps forts se situent au niveau des émotions. Actuellement, nous faisons aussi des ateliers de travail pour les parents qui survivent dans des bidonvilles inimaginables et dont les gosses suivent notre école. En décembre dernier, j’étais dans la rue. Une femme s’est approchée de moi et m’a embrassée en me disant merci. Je ne la connaissais pas. «J’attends le bus. Je vais à la fondation pour suivre l’atelier de couture. J’ai vu votre photo là-bas. Merci pour tout ce que vous faites.» Des instants comme ça, avec les gosses surtout, j’en vis continuellement. Ils sont mon moteur.

La fondation ne vit qu’à travers la générosité populaire. Il y a une année, l’argent des donateurs était plutôt destiné aux victimes du tsunami qui a ravagé l’Asie du sud, ce qui vous avait alors conduit à lancer un véritable SOS. Avec le recul, quel est votre sentiment sur cet appel à la solidarité valaisanne, le sentiment de trop demander?

Demandez et vous recevrez: la formule n’est pas de moi. Le SOS lancé fut écouté. Il m’a ouvert les yeux sur l’amour que les Valaisans portent à la fondation et à ses enfants. Je ne m’en rendais pas du tout compte. J’ai reçu énormément de paroles de soutien et d’encouragement. Moi pour toit fait partie du paysage et je dois continuer à peindre le bonheur sur le visage de ces gosses. Pour y parvenir, j’ai besoin des autres.

Et, aujourd’hui, les donateurs sont toujours fidèles. Sans eux, l’existence même de la fondation ne serait pas garantie?

Les 1200 parrains – membres du Club des mille à 20 francs par mois – sont la garantie, même s’ils ne couvrent que le 35% des fonds nécessaires. Moi pour toit ne touche aucun subside, aucune aide officielle. Sauf celle du gouvernement colombien qui finance le 10% du budget. Le reste, soit plus de 50 000 francs suisses par mois, provient de la générosité essentiellement des Valaisans.

On peut insister sur un point: l’argent des donateurs est acheminé directement sur place, il n’y pas d’intermédiaire?

Exact. L’argent passe mensuellement du compte de la fondation en Suisse au compte de la fondation en Colombie, géré sur place par deux membres du comité directeur de Moi pour toit, dont Kenny Giovanola, un Valaisan engagé sur le terrain depuis bientôt trois ans. Un franc de don est un franc qui arrive intégralement à Pereira, puisque les frais, ici, sont financés par de la vente d’artisanat ou autres manifestations.

La fondation s’occupe aujourd’hui de 158 enfants. Des projets d’expansion sont-ils à l’étude ou la volonté est-elle d’asseoir ce qui existe?

158 enfants, 60 employés salariés, un budget qui approche les 900 000 francs: nous avons atteint la limite maximale pour une fondation basée sur le bénévolat. Mon principe n’a pas changé: la qualité du travail avant la quantité d’enfants. Avec l’ouverture du Centre d’urgences Louis-Ernest, en décembre dernier, nous avons une infrastructure très développée. Certains observateurs affirment même qu’il n’en existe aucune autre aussi performante et complète dans toute la Colombie. Avec une singularité: nous sommes au début de cette chaîne et à la fin. Moi pour toit en Valais et en Colombie, c’est la même fondation. Il existe beaucoup d’organisations qui soutiennent des projets. Nous, nous avons construit le nôtre. Jusqu’au bout.

Ce samedi à Martigny, à Martigny encore le 3 mai, puis à Sion le 11 mai, ce sera la fête des 15 ans. Sous quel signe sera-t-elle placée?

Sous le signe de l’émotion. Samedi, une journée pour les enfants surtout. Puis deux soirées sous le chapiteau de Starlight, un petit cirque du Soleil, avec repas et spectacle. Et avec la présence de deux ex-jeunes de la fondation, deux de mes gosses, que je vais pouvoir présenter aux amis qui nous soutiennent. J’en suis très fier. Et puis le cirque, c’est l’enfance. Ma lutte.

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