La petite Colombienne de la fondation valaisanne, transplantée du foie le 1er septembre dernier, rejoindra Pereira demain dimanche.Nous l’avons rencontrée voici une semaine à Medellin.
Bâtiment Colina del viento, sur les hauts boisés de Medellin, la capitale du département d’Antoquia, ville aujourd’hui connue pour son métro et autrefois pour Pablo Escobar, le célèbre trafiquant de drogue. Appartement 471. Il est midi moins une. Nous frappons à la porte. «Angie, viens vite. Il y a quelqu’un pour toi», crie sa gardienne. Cachés dans la cage d’escalier, nous surgissons. Le choc. Emotionnel. Avec son masque de protection, Angie nous saute dans les bras. Nos larmes s’emmêlent. L’instant semble éternel, sans que nos regards se croisent, rougis par les émotions qui coulent à fleur d’yeux humides. Dieu merci, Angie, 12 ans, est sauvée, en vie, en vraie vie. Derrière sa «muselière» blanche, on devine l’immensité de son sourire, de sa joie, de son espérance. L’embrassade se poursuit. Tendrement. Après quelques minutes presque sans paroles parce que les gorges étaient sèches et nouées, les premiers mots, les derniers maux. «J’ai rendez- vous le jeudi 18 décembre avec mes médecins de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul. Peut-être qu’ils vont me laisser rentrer à Pereira.» Depuis le mois d’avril à Medellin, à six heures de route de Pereira, d’abord en liste d’attente pour une transplantation de foie, puis, opérée le 1er septembre, en isolation dans un appartement qui la met à l’abri d’infections, Angie, orpheline de père et de mère, s’ennuie de ses copines et de ses copains de la fondation. Et vit au rythme de sa nouvelle existence dont les heures sont réglées sur la prise de médicaments. Vingt quotidiennement juste après l’opération, dix aujourd’hui. «Mais pour toute ma vie. Et avec deux interdictions de manger, pour toujours, entre six et dix heures du matin, six et dix heures du soir. Pour que les pastilles fassent effet.» Angie est sauvée. Oui. Et c’est bien là l’essentiel. Mais elle doit apprendre à vivre autrement. «Je suis si bien, tu sais Papa. Regarde…» Elle nous montre sa cicatrice, énorme, 28 gros points sur environ 40 centimètres. Et dessous, le foie d’un autre, son foie maintenant, sa foi en demain. Angie nous présente ses dessins aux traits assurés. «Je veux être artiste peintre.» Elle nous emmène dans sa chambre, nous sort une radio MP3 offerte par une fondation colombienne, nous raconte que des policiers déguisés en clowns lui rendaient parfois visite à l’hôpital. Nous mettons notre nez rouge, toujours à portée de main. Elle rit, pleure, nous sert très fort, trop fort, et de nouvelles larmes humidifient notre rencontre. Jusqu’au départ, retour à Bogota et en Suisse.
La délivrance
Jeudi soir. Avant-hier donc. Coup de fil pardelà l’océan. Angie nous répond. «Je sors maintenant de l’hôpital. Papa, tu sais, ils me laissent rentrer à Pereira. Je dois revenir à Medellin tous les mois pour des examens, mais c’est pas grave.» Dans sa voix, une immense joie. Quelques instants plus tard, la confirmation tombe: demain dimanche, Angie et Monica, sa cousine gardienne, prendront le premier avion pour Pereira. Et recommenceront la même vie, isolée, mais dans leur ville. Proches des leurs. Proches de toutes les personnes qui composent la grande famille Moi pour toit. Quel cadeau! «Angie, que voudrais-tu pour Noël?» Sa réponse nous arrache un dernier soubresaut lacrymal: «Que tu sois heureux, papa!» Il était un foie… un conte de Noël.
Christian Michellod
Le Nouvelliste
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