Fondation Moi pour Toit

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Ma responsabilité envers les enfants est énorme
Par: Fondation Moi pour Toit
Dans:Presse
Le 30 Oct 2022

À l’heure de partager le propos avec Christian Michellod, rappelons que la Fondation Moi pour Toit est une organisation non gouvernementale (ONG) suisse et privée, reconnue d’utilité publique, à but non lucratif, en faveur des enfants défavorisés de la région de Pereira en Colombie. Depuis 1987, elle gère – sans intermédiaire et sans subvention valaisanne ou suisse – son propre programme d’accueil, de protection, d’éducation et de formation pour des enfants et jeunes âgés de 4 à 18 ans ou plus, en cas d’études universitaires. Voilà, ceci dit, rappelons qu’il y a surtout beaucoup à faire et que «papa Christian» reste mobilisé 24 heures sur 24 pour le bien de «ses enfants». Rencontre.

Christian Michellod, 35 ans de Moi pour toit, un sacré bail…

Une aventure humaine incroyable dont l’une des grandes qualités réside précisément dans sa durée. C’est complètement fou qu’un regard d’enfant peut avoir changé ma vie. Ce regard, je l’ai toujours dans mon cœur. À cet instant-là, je suis tombé «enceint» de la Colombie et de ses enfants. C’était en 1975. Douze ans plus tard, le 17 novembre 1987, j’ai accouché de Moi pour Toit. Depuis «Nadie» – qui signifie personne, car je n’ai jamais su le nom de cette petite fille – 10 500 enfants sont passés dans la main de la fondation. Oui, un sacré bail.

Plus de 10 000 enfants ont été pris par la main grâce à Moi pour toit. LDD

Avec un peu de recul, vous devez comprendre que c’est une aventure un peu folle que vous avez menée?

Je fais un aveu: lorsque j’ai créé Moi pour Toit, je ne pouvais pas imaginer l’importance que cette action allait prendre. Si j’avais pu le visualiser, je ne me serais peut-être pas lancé. La responsabilité est énorme envers les enfants et les employés actuellement au nombre de 60. Ici, en Valais, tout est basé sur le bénévolat. Mais pas en Colombie. Il faut assumer quotidiennement le défi. Et j’ai toujours œuvré à côté de mon travail de journaliste. Maintenant, je suis à la retraite, mais la lutte continue, bénévolement bien sûr.

On aurait tous souhaité que votre fondation ne soit qu’une étape urgente et pourtant elle doit poursuivre sa mission!

Dans le monde, les inégalités se creusent et en Colombie aussi. Enfants dans la rue, enfants abandonnés, enfants violés, maltraités, exploités ou vivant dans une grande misère, avec à peine un repas par jour: la situation ne s’améliore pas et les besoins demeurent immenses, et sont même en augmentation. La mission de la Fondation Moi pour Toit ne s’arrêtera sans doute jamais. Le nombre d’enfants en état de précarité physique, mentale, éducative suit une courbe ascendante. Nous ne pouvons pas tous les aider. Mais chaque goutte d’eau a un prénom. Pour Lorena, Claudio, Luz Francy, Monica, Angie, Jorge, et des milliers d’autres, Moi pour Toit fut et demeure leur point d’accroche, leur bouée. «Ce que je suis aujourd’hui, je le dois à la fondation», avouent les ex-pensionnaires. Qui m’appellent toujours «papa Christian», même si les plus anciennes ont déjà 45 ans et plus. C’est mon salaire. Celui du cœur.

Comment expliquer qu’en 2022, des enfants sont encore abandonnés à leur triste sort dans un pays comme la Colombie? Il n’y a pas d’infrastructures officielles pour les accueillir?

La majorité des Colombiens gagnent le salaire minimum, soit environ 250 francs suisses par mois. Les familles, parfois nombreuses, vivent dans des conditions de pauvreté révoltantes. Révoltantes, parce que le pays contient beaucoup de richesses naturelles. Le problème n’est pas typiquement colombien: la répartition des biens se fait encore et toujours au détriment des plus faibles, des plus déshérités. Oui, le
gouvernement possède des infrastructures pour les enfants. Mais la qualité de leurs services n’a rien à voir avec ce que propose, Moi, pour Toit. Ce n’est pas un hasard si notre fondation est considérée
comme la meilleure de tout le département depuis plusieurs années. Et si l’ICBF (Institut
colombien du bien-être familial) soutient notre budget de 3000 francs par jour à hauteur du 25 à 30%. Reste à trouver, quotidiennement, plus de 2000 francs. C’est mon travail et celui du comité. Je profite de remercier Véronique et Michèle, belle-sœur et épouse, qui me soutiennent activement depuis 35 ans!

Parlons de Moi pour toit vu de l’intérieur. Rappelez-nous brièvement pourquoi vous avez senti le besoin de créer cette fondation?

J’ai déjà expliqué mon coup de cœur pour ce pays et ses enfants; le regard de «Nadie» qui m’a traversé l’âme en 1975. Douze ans plus tard, en 1987 donc, nous avons adopté Juan, un premier enfant colombien. En allant le recueillir, j’ai retrouvé dans ses yeux ce même regard. Et tant d’autres gosses qui tendaient leurs mains. Je me sentis interpellé et décidai de lancer une action, puis d’adopter Andrés, notre second Colombien.

Souvenirs souvenirs… «Papa Christian» il y a quelques années. Les enfants de Colombie, une grande partie de sa vie. LDD

Difficile de parler de chiffres quand on évoque le parcours de vie des enfants. Est-ce possible tout de même de faire un bilan de l’aventure Moi pour toit en 35 ans? (nombre d’enfants accueillis, argent investi, bâtiment construit…)

Sans être exhaustif, plus de 10 000 enfants ont été accueillis par la fondation. L’investissement financier dépasse les 15 millions de francs, sans subvention suisse! En Colombie, Moi pour Toit a acquis un espace de trois hectares où ont été construits deux foyers pour enfants de 5 à 13 ans, une école qui reçoit également les élèves des bidonvilles avoisinants, des ateliers de formation, le siège administratif et diverses petites structures sociales (ludothèque, salon pour activités culturelles, assemblée du personnel, etc). Ce lieu est situé à 20 minutes de la ville de Pereira (environ 800 000 habitants). Au centre de la cité, la fondation possède un foyer pour adolescents, la casa Elisabeth, du nom de la donatrice Elisabeth Hölz qui vit à Lausanne et qui a financé l’achat de la maison en 2020. En location, Moi pour Toit gère sa boulangerie Chez Armand et, projet de fin 2022, un foyer pour 15 adolescentes, également en ville.

Vous n’avez plus 20 ans… Est-ce que l’avenir de la fondation est assuré?

C’est vrai. J’ai exactement le double d’années de la fondation… L’avenir administratif est en préparation et sur la bonne voie. Nous y travaillons. Le plus grand souci se situe au niveau des finances. Nous avons un Club des mille, ouvert à tous pour 20 francs par mois, qui vieillit. Il date du début des années quatre- vingt-dix et plus de 2500 membres y ont adhéré. Mais beaucoup ne sont plus là et le renouvellement est difficile. Pourtant, ce club est la base de travail: il compte pour 50% de nos ressources financières. Si on veut pérenniser Moi pour Toit, nous devons impérativement développer cet aspect.

Un souhait particulier?

Un vœu plutôt: que Moi pour Toit puisse poursuivre sa lutte en faveur des enfants qui en ont un besoin urgent. C’est pour eux qu’on se bat. Pour leur donner l’envie et les moyens de vivre et non pas de survivre. Quand je pense aux douze premières pensionnaires, des filles en risque d’exploitation sexuelle qui avaient entre 10 et 12 ans, qui sont aujourd’hui des personnes de plus de 40 ans, responsables, je me dis: «Merci les Valaisans, merci d’avoir permis ces miracles.» Me revient toujours à l’esprit cette phrase de Lorena, en 1992: «Papa Christian, tu es la première personne qui m’a donné une chance.» Aujourd’hui, Lorena, master en psychologie et éducation de la famille, vit et travaille à New York où elle s’est mariée. Un fabuleux destin né grâce à Moi pour Toit. Grâce à vous donc. Je crois encore au père Noël!

Article de la Gazette du vendredi 28 octobre 2022

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